Je dois avouer que j’ai toujours été le type de vétérinaire qui décourage ses clients de se lancer dans la grande aventure d’avoir une portée juste pour le plaisir ou pour avoir un revenu supplémentaire. Avec les temps particuliers que nous vivons: la pandémie, la grande vague d’adoptions, les listes d’attente des éleveurs qui s’allongent, les vols de chiens qui se produisent en grand nombre et le prix des chiots qui explosent dans les petites annonces, certains seront encore plus tentés de faire avoir une portée à leur animal de compagnie. Je trouve cela déplorable.
J’espère que cet article amènera certaines personnes à abandonner l’idée ou à s’informer adéquatement avant de se lancer dans une telle aventure.
Ne pas faire partie du problème
Nous avons un important problème de surpopulation féline au Québec. Chaque été et automne, les refuges débordent de chats abandonnés ou errants qui se cherchent une famille. Si vous avez l’intention de reproduire votre chatte seulement pour lui faire connaître la maternité ou pour montrer à vos enfants le miracle de la vie, pensez à tous ces chats. Est-ce réellement une bonne idée de contribuer au problème de surpopulation féline? Même si vous avez déjà des connaissances qui souhaitent se procurer l’un des futurs chatons, vous faites partie du problème. Est-ce que ces personnes sont des gens responsables qui feront stériliser leur nouveau minet? Est-ce que ces gens se seraient tournés vers un refuge pour sauver un chat si vous ne leur aviez pas proposé un chaton? En fin de compte, il y aura encore plus de chats qui se chercheront une famille et pas assez de famille pour tous.
Je dois avouer que la situation n’est pas du tout la même avec les chiens. Nous n’avons pas de problématique de surpopulation de chiens au Québec. Je vous invite tout de même à poursuivre votre lecture pour continuer votre réflexion.
Éviter de reproduire des animaux avec des problèmes
Les éleveurs éthiques et consciencieux prennent grand soin de leurs reproducteurs. Ils s’informent sur la race, sélectionnent précautionneusement les individus qui feront partie de leur élevage, ils font passer une batterie de tests de santé et génétiques aux animaux qu’ils souhaitent reproduire, ils évitent de reproduire les animaux dont le comportement est problématique, ils s’assurent qu’ils sont vaccinés et vermifugés adéquatement, etc.
Plusieurs problèmes de santé ont une composante génétique, nommons entre autres certaines maladies articulaires (dysplasie de la hanche, dysplasie du coude, luxation de rotule, prognathisme, etc.), maladies neurologiques (myélopathie dégénérative, syndrome de Wobbler, etc.), problèmes dermatologiques (certaines allergies, alopécie X, etc.), anomalies oculaires (entropion, ectropion, dysplasie rétinienne, cataracte congénitale, etc.), maladies cardiaques (cardiopathie dilatée, cardiopathie hypertrophique, sténose pulmonaire, etc.), pathologies du système digestif (shunt porto-systémique, mégaoesophage, etc.), maladies du système urinaire (glomérulopathie familiale, amyloïdose, maladie rénale polykystique, etc.) et la liste est encore très longue… Même si les futurs parents semblent en santé, ils peuvent être porteurs et la maladie pourrait être plus apparente chez leurs progénitures. Dans d’autres cas, ces maladies se dévoileront seulement à un âge plus avancé, d’où l’importance de faire des tests de santé et génétiques chez les individus que l’on souhaite reproduire.
Nous en apprenons de plus en plus sur le comportement et l’impact du comportement des parents sur leurs petits. Une chienne anxieuse aura de fortes chances d’engendrer des chiots anxieux. Le chien agressif à plus de chance d’avoir une descendance qui réagit plus agressivement. Bien que l’environnement et l’éducation y soient pour beaucoup pour influencer le comportement de l’animal, la génétique semble avoir une influence non négligeable.
Afin de ne pas perdre d’argent
Vous croyez faire de l’argent avec les chatons ou les chiots? Vous pourriez avoir une mauvaise surprise. Bien que la majorité des mises bas chez les chiennes ou les chattes se déroulent bien et sans flafla. Des imprévus peuvent survenir et ces situations peuvent malheureusement être coûteuses. Évidemment, si vous vous lancez dans la batterie de tests de santé avant de reproduire deux individus, cela vous demandera un investissement avant tout. Finalement, les tests pourraient révéler qu’il est préférable de ne pas les reproduire. Est-ce que les vaccins et les vermifuges de la future mère sont à jour? Si tout va bien, la femelle devient gestante comme prévu, il n’y a rien qui garantit que la mise bas (« accouchement ») se déroulera sans complications. Avez-vous les fonds nécessaires pour payer une césarienne? Cette intervention habituellement effectuée en urgence pour tenter de sauver les petits et la mère peut coûter plus de mille dollars. Si après la mise bas, certains chatons ou chiots tombent malades, avez-vous le budget pour les présenter à un vétérinaire rapidement? Si la maman fait une complication post-partum (mammite, rétention placentaire, infection utérine, etc.), allez-vous êtres en mesure de payer pour qu’elle puisse avoir les soins nécessaires?
On dit souvent que les bons éleveurs consciencieux le font par amour de la race et non pas pour rentabiliser le tout. Un éleveur éthique va rarement faire des bénéfices importants en revendant les petits parce qu’il y a un investissement important à faire en amont (se procurer les reproducteurs, faire des tests de santé et génétiques, faire des compétitions, etc.), des délais à respecter (avant la première portée, entre les portées, etc.), des frais imprévus, etc. Ceux qui font de bons profits en reproduisant leur animal peuvent avoir tourné les coins ronds malheureusement.
Actuellement, il y a une forte recrudescence de chatons et chiots vendus à très forts prix avec aucune garantie de santé et très peu d’information sur les reproducteurs. N’encouragez pas ce commerce et ne devenez pas ces « éleveurs » de fond de cour.
S’épargner d’être coincé dans une situation difficile émotionnellement
Ça peut être très difficile émotionnellement. Vous aurez rapidement compris que si des problématiques se déclarent à la mise bas ou après celle-ci chez la mère ou les petits, cela peut être très éprouvant pour la famille. Le taux de mortalité périnatal peut être assez élevé et l’on peut rapidement se sentir impuissant. En plus de demander un investissement pour les soins, ces situations peuvent vous demander d’avoir à faire des choix très difficiles et déchirants.
Il faut aussi avoir le cœur solide quand le moment est venu de faire adopter les petits. Après avoir appris à les connaître pendant 8 à 10 semaines ou même jusqu’à 12 à 16 semaines (Il est prouvé qu’il est préférable d’attendre après l’âge de 3 mois pour séparer les chatons de la mère.), il est possible que votre famille se soit attachée aux petits. Leur départ peut être un moment arrache-cœur, même quand on sait qu’ils s’en vont dans de bonnes familles.
Si la mère ne produit pas de lait (agalactie), allez-vous être en mesure de prendre la relève et offrir le boire aux petits toutes les 2-3 heures? Avez-vous le temps et l’énergie pour faire l’entretien de cette petite famille?
Pour éviter les ennuis de santé chez la mère
La gestation et l’allaitement sont très exigeants pour la mère. Même si elle est en santé avant de devenir gestante, cela n’offre aucune garantie pour la suite. Les ennuis de santé déjà énumérés précédemment comme les dystocies (difficultés à mettre bas), l’éclampsie, la rétention placentaire, les infections utérines, mammite (infection de la glande mammaire) sont des situations qui peuvent nuire à la santé de la mère et parfois même entraîner son décès si la situation n’est pas adressée rapidement. Voulez-vous quand même lui imposer cette épreuve?
Ces raisons sont à mes yeux les plus importantes pour éviter de reproduire son animal de compagnie. Je pourrais encore continuer de vous en parler longtemps. Si malgré tout, vous désirez aller de l’avant, prenez le temps de parler de ce projet avec votre équipe vétérinaire. Ils pourront bien vous outiller. Il est possible de bien faire les choses et de réduire les risques pour certains problèmes. Faites ses efforts pour vous, pour votre famille, pour votre animal, pour les petits et, surtout, pour ne pas faire partie du problème. Soyez consciencieux!
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*** Cet article n’est pas commandité.***
Passionnée d’animaux depuis toujours, j’ai même choisi d’en faire ma profession. Diplômée en techniques de santé animale en 2007 pour ensuite obtenir le titre de médecin vétérinaire en 2013, je suis présentement enseignante en Techniques de santé animale. J’ai aussi travaillé en cliniques privées et dans un refuge animalier. Ayant toujours mille et un projets en tête, je suis fière de maintenant pouvoir vous partager ma passion pour la santé animale et pour le monde animal en général.
Merci et bonne lecture!
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